Gérard Houdard, peintre des pierres et des visages perdus

Un artiste hors du commun

Parfois, il faut quitter les musées pour entendre battre le cœur de l’art. Il faut marcher dans la poussière des chemins gardois, sous un ciel de calcaire et de cigales, et demander au premier venu :
Et la maison de Gérard Houdard ?
La réponse viendra, inévitable, immédiate :
Mais bien sûr, c’est là-bas. Tout le monde le connaît.

À Arpaillargues, village entre Uzès et les silences de la garrigue, Gérard Houdard a bâti son royaume : une cabane faite de briques, de colonnes, de fresques et d’ombres peintes. Une œuvre-vie. Un manifeste intime. Un monde.


Une maison comme un poème

Dans la revue Gazogène, Jean-Stéphane Vissouze nous guide, ému, à travers les pierres vivantes de cette maison-labyrinthe :

« C’est une architecture libre, joyeuse, spontanée, où chaque élément a été posé pour le plaisir. »
Pas de plan, pas de calcul. Seulement la main, la matière, et l’élan. Le geste du peintre devient celui d’un paysan maçon, d’un bâtisseur d’imaginaire. Chaque fresque murale, chaque niche sculptée, chaque œil dessiné dans la chaux semble veiller sur le visiteur.

Loin de l’esthétique conventionnelle, la cabane est un manifeste d’autonomie artistique. Elle rappelle le Palais Idéal du facteur Cheval, les architectures visionnaires, mais dans un esprit plus méditerranéen, plus charnel.


🖼 Des visages pour habiter le silence

Les œuvres de Gérard Houdard sont des épures de l’humain. Sur bois, métal, papier de récupération, il peint — ou plutôt il évoque — des visages archaïques. Le trait est noir, épais, toujours juste. Les yeux sont ouverts, larges, comme ceux des icônes coptes ou des masques africains.

Ses personnages n’ont pas de nom, pas d’époque. Ce sont des êtres d’avant le langage, ou d’après la catastrophe. Des survivants ? Des saints laïques ? Des enfants d’un monde encore à naître ? Chacun y voit ce qu’il porte.

Ces figures rappellent parfois Jean Dubuffet, Chagall, ou l’art brut de la Collection de l’Aracine. Mais chez Houdard, la tendresse l’emporte toujours sur le cri. Même dans le dépouillement, ses toiles émettent une lumière.


👤 Une figure locale, un monument discret

Dans le Gard, on ne dit pas « le peintre Houdard ». On dit Gérard. Comme un ami de toujours. Il est connu de tous, et pourtant sa notoriété dépasse les limites du village par la beauté de sa démarche. Pas de site commercial. Pas de galerie. Il peint dans sa cabane comme un moine paysan. Il reçoit les visiteurs avec un regard perçant, rieur, et les histoires d’une vie.

Sur le site de J.-S. Vissouze, on le voit, silhouette blanche, mains puissantes, entouré de ses œuvres comme d’enfants spirituels. Sa présence est charismatique, simple et entière, enracinée dans la terre et dans l’art.

Un artiste hors du commun

🌿 Inspirations : entre le sacré et le ferraille

Gérard Houdard travaille avec ce que la nature ou les rues lui donnent. Bois flotté, métal rouillé, bouts de verre, sable, chaux, craie, pigments. Il transforme la matière pauvre en présence précieuse, sans jamais rien forcer.

Son art est un chant sans paroles, où l’instinct guide la main. Il puise dans le sacré (les icônes, les fresques médiévales, les masques), dans le populaire (l’art des murs, des bistrots, des baraques), et dans le contemporain (l’abstraction, l’automatisme, le collage). Un art à la fois intemporel et très d’aujourd’hui.


🗓 L’Art à Rouna : exposition ou initiation ?

Chaque été, sa maison s’ouvre au public sous le nom de L’Art à Rouna. Ce n’est pas une exposition : c’est une expérience. On y entre comme on entre dans un sanctuaire. Des toiles suspendues aux arbres, des sculptures plantées dans la rocaille, des visiteurs qui murmurent entre les pierres.

Là, tout devient art : le vent, le silence, les conversations autour d’un verre, les enfants qui courent dans la poussière. C’est l’anti-musée par excellence. Et pourtant, aucun lieu n’aura autant marqué certains visiteurs. On y reçoit une émotion brute, profonde, durable.

Le maitre des arts

✍️ L’empreinte dans la culture française

Il y a chez Gérard Houdard quelque chose de l’âme française : l’artisan-poète, le créateur libre, l’homme du lieu, du geste, du partage. Il n’a rien à vendre — seulement quelque chose à transmettre. Une façon d’être au monde, d’habiter son territoire, de dialoguer avec les anciens et les futurs.

Sa cabane est une mémoire vivante, une encyclopédie intuitive, un musée de l’essentiel.


📍 Informations pratiques

📍 Maison de Gérard Houdard, Arpaillargues, Gard
🗺 300 mètres après le stade, prendre à gauche sur le chemin de terre. Sinon, demandez.
🗓 Exposition L’Art à Rouna, ce week-end
🎟 Entrée libre, accueil chaleureux garanti


Gérard Houdard ne cherche pas à plaire. Il peint pour ne pas oublier. Pour faire exister des visages, des présences, des mémoires enfouies. Et c’est peut-être cela, le plus grand des arts : faire surgir ce qui nous relie tous, à la terre, à l’enfance, à l’invisible.


Et si cette lecture n’était qu’un prélude ? L’univers de Partageos regorge de récits vibrants, de réflexions à fleur de peau et de regards tendus vers l’ailleurs. Chaque article est une empreinte nouvelle sur le sentier de notre mémoire collective, un éclat de pensée lancé comme une bouteille à la mer culturelle. Poursuivez votre exploration, laissez-vous porter par la curiosité — elle seule mène aux plus belles découvertes. Par exemple, laissez-vous surprendre par cet autre article qui, lui aussi, prolonge l’élan du partage et de la transmission.

A propos de Partageos 30 Articles
LE PERIMÈTRE : Peintures, écritures, photographies, sculptures, dessins, collages, gravures & estampes, arts textiles, arts numériques, design, mixte… et même l'art de la table grâce à de nombreux chefs !