Détournements créatifs

Demain le mirroir Signe Cecile D
Demain le mirroir Signe Cecile D

Quand les artistes locaux apprivoisent les technologies globales pour réenchanter le monde

Ils ne les ont pas inventées. Elles leur sont venues de loin, d’un autre mode très technocratisé, charriées par les flux mondialisés, auréolées de promesses incertaines. Les artistes locaux, les artisans du sensible, ont très peu participé à la grande messe des innovateurs de la Silicon Valley. Mais qu’importe. À la manière des poètes de l’ombre ou des bricoleurs de génie, ils se sont emparés de ces outils pour les détourner, les contaminer de récits singuliers, les mettre au service des territoires, des mémoires, des voix vives et vivantes.

Car c’est là toute la puissance de l’art : prendre les matériaux du monde, aussi froids soient-ils, et leur insuffler de l’humain, du fragile, du vivant.

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L’art de l’appropriation : « low tech, high poésie »

Des imprimantes 3D deviennent presses artisanales d’œuvres de quartier. Des casques de réalité virtuelle se transforment en machines à visualiser les souvenirs collectifs. Des plateformes de métavers servent à mettre en scène des lieux historiques ou des traditions revisitées par la jeunesse urbaine.

C’est une esthétique de l’appropriation joyeuse, à la façon de l’art urbain, de l’altération assumé, où les technologies, dépossédées de leur vernis marketing, deviennent matières premières pour des expériences culturelles locales. Les artistes, en marge des grandes industries, fabriquent ainsi des contre-usages, des espaces de création partagée, des lieux de rencontre entre anciens savoir-faire et nouveaux outils.

Détourner pour réinventer le lien

Ce détournement n’est pas qu’esthétique : il est politique. Dans une société fragmentée, ces artistes réinventent des récits communs, des usages contemporains. Ils utilisent les technologies pour créer des ponts, tisser des liens, réhabiliter la parole de chacun.

Des collectifs investissent des friches pour y projeter des œuvres collaboratives en réalité augmentée, racontant l’histoire des habitants. D’autres transforment des applications de cartographie en supports de balade poétique à travers les mémoires oubliées d’une ville.

À travers ces gestes, c’est une autre technologie qui émerge : une technologie du soin, du partage, de l’écoute.

Partageos.com, passeur d’imaginaires locaux

C’est dans cette veine qu’œuvrent des plateformes comme Partageos.com, qui accompagne ces détournements fertiles. En proposant des offres de tourisme culturel participatif, des concours et expositions multidisciplinaires, ils deviennent le théâtre de ces rencontres improbables entre technologie et territoire, où l’expérience prime sur la performance, où l’humain reprend la main sur ces impératifs technologiques qui lui sont imposés notamment avec la numérisation des documents officiels ou la sécurisation des accès bancaires.

Dans ces démarches, le numérique n’est plus une fin en soi, mais un prétexte à réinventer du commun, à reprendre la mains sur ces objets du virtuel, à faire de l’art un acte d’appropriation poétique contre l’incompréhension et l’adversité.


« L’art, c’est le plus court chemin de l’homme à l’homme. » — André Malraux

Les artistes d’aujourd’hui, artisans de ces détournements sensibles, nous rappellent que les outils n’ont pas d’âme. C’est à ceux qui les saisissent d’y insuffler du sens, de la tendresse, du partage. Et dans les ateliers cachés, dans les espaces réinventées, une autre modernité s’invente, patiente, joyeuse, collective.

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Cécile D., pirate du sensible

Dans son atelier de fortune, installé dans sa maison ancienne, fait de mur de pierres d’une épaisseur surprenante, Cécile D. travaille avec des outils qui, à première vue, n’ont rien de poétique. Au fond de la pièce, une imprimante 3D de récupération grince doucement, imprimant couche après couche des fragments de vies passées. À côté, un écran diffuse en boucle des images décomposées, issues d’un drone qu’elle a elle-même détournée pour filmer les chemins oubliés des villages alentours.

Cécile n’est pas ingénieur. Il se dit « artiste pirate », bricoleuse du dimanche devenu poète du quotidien technologique. Pour elle, les outils numériques sont comme les carcasses de voitures rouillées qu’on retrouvait autrefois dans les champs : des objets de grande série, sans âme, qu’il faut réinvestir, contaminer, détourner. « Je ne crée pas avec la technologie, » aime-t-elle dire, « je crée à côté d’elle. »

Depuis quelques mois, Cécile explore les intelligences artificielles génératives. Mais là où certains y voient des prouesses esthétiques, elle préfère s’en servir pour faire parler les invisibles. Il entraîne ses modèles non pas avec des bases de données globalisées, mais avec des archives locales, des récits oraux collectés lors de ses pérégrinations dans les campagnes désertées.

Cécile refaçonne ensuite et peint réellement par dessus. Résultat des oeuvres imaginaires et réelles en même temps.

Pour elle, l’appropriation détournée est un acte de résistance douce, un pied-de-nez aux géants de la tech, une manière de réaffirmer que l’art et la vie en général reste, avant tout, une affaire humaine, fragile, collective.
Et dans ses gestes instinctifs en même temps que pensés, dans ses œuvres cabossées, c’est toute une poésie de l’adaptation, du presque techno, du quotidien, qui naît, à hauteur humaine.

« Les technologies sont comme des bêtes sauvages. Il suffit de leur raconter des histoires pour les amadouer, de les éduquer pour les apprivoiser. » — Cécile D.

Alexandre-Gabriel Decamps – "Le Singe peintre" (1833)
Alexandre-Gabriel Decamps – « Le Singe peintre » (1833)
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